vendredi 28 novembre 2014

René de Sourdéac et Samuel Champlain en 1594 à Roscanvel et Quimper

Par le biais d'un commentaire consulté sur Google+ à propos de l'existence de gravures ou d'images représentant les combats en 1594 (pendant la guerre de la Ligue en Bretagne) de la prise du fort de Roscanvel (situé à la pointe des Espagnols sur la presqu'île de Crozon) par les troupes françaises du maréchal d'Aumont et anglaises de John Norreys (capitaine Anglais) appuyées par la flotte de Frosbisher qui mouille à Camaret avec 4 navires et 400 anglais, j'ai été amené à consulter l'ouvrage (édité par Septentrion collection V) et consacré aux textes de Samuel (de) Champlain et intitulé "Espion en Amérique" 1598-1603. Texte en français moderne, annoté et présenté par Éric Thierry.
Ces textes font référence  aux manuscrits de Samuel de Champlain et intitulés : "Des Sauvages" et "Brief Discours" où il relate qu'après être passé au service des logis de l'armée royale, il a pris l'initiative de servir Henri IV comme espion dans l'Amérique  espagnole, avant de se voir confier par lui une première mission officielle de collecte d'informations dans la vallée du saint-Laurent.
C'est moins l'aspect "espion au service du roi henri IV" qui nous intéresse ici, mais plutôt l'aspect "maréchal des logis" au service de l'armée royale qui est à mettre en relation avec les évènements vécus par René de Sourdéac à la même époque et aux mêmes endroits.
signature de Samuel de Champlain
Acte de baptême (présumé) de Samuel de Champlain
Le vendredi treizième jour d'aoust
mil cinq cent soixante et quatorze
a esté baptisé Samuel fils de
Anthoinne Chapeleau et de ...
marguerite Le Roy  p(ar)rain estienne
Paris marraine Mary Rousseau
 Samuel de Champlain
1567 - 1635
Gouverneur de la Nouvelle-France 1627-1635

portrait factice
par Théophile Hamel,
d'après une gravure représentant Michel Particelli d'Émery
C'est-à-dire, que Samuel de Champlain et René de Sourdéac ont participé tous les deux, mais chacun dans un rôle différent, à la prise de Quimper en octobre 1594 et à la prise de la pointe des Espagnols (El Castillo del Leon) en novembre 1594.
Rappelons simplement que René de Sourdéac était gouverneur des ville et château de Brest pour le compte du roi de France Henri III, puis Henri IV. Brest était une ville de garnison royale. Depuis 1591, il combat les troupes de la Ligue du duc de Mercœur, et contraint par les armes les habitants du Léon à se mettre au service du roi. En octobre 1594, avec l'appui des troupes du Maréchal d'Aumont, il participe à la prise de Quimper.

René de Sourdéac et la guerre de la Ligue
Lien pour de plus amples informations concernant René de Sourdéac

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De son côté, Samuel de Champlain, qui avait été recruté en 1592 par François d'Espinay (sieur de Saint-Luc) dans des troupes destinées à combattre les Ligueurs et leurs alliés espagnols, devient fourrier dans le régiment de Brouage de Saint-Luc, pour aller en Bretagne rejoindre l'armée royale déjà en guerre contre les troupes du duc de Mercœur.
En mars 1593, Saint-Luc se présente au maréchal d'Aumont avec une troupe de 800 arquebusiers et 100 cavaliers.
En avril 1593, le régiment, rejoint par des troupes anglaises commandées par John Norreys, participe et aux combats de La Guerche et s'empare de cette ville le 24 avril. En mai 1593, les troupes de Norreys se retrouvent à Rennes.
Le régiment de Brouage placé sous les ordres du chevalier de Potonville, séjourne (à partir d'octobre) dans la région de Paimpol. On peut penser que Champlain a vécu là de longs mois, dans le voisinage des troupes anglaises qui attendaient un hypothétique embarquement pour rentrer en Angleterre. Champlain a sans doute profité de la trêve entre les troupes de Mercœur et d'Aumont entre août 1593 et janvier 1594, pour acquérir une compétence indispensable à un jeune membre du service des logis de l'armée royale, celle de dresser des cartes devant indiquer les tailles des villes et des villages, les emplacements des ponts et des bacs, ou même les localisations des vignobles, des marais, des bois et des falaises, des informations indispensables pour dresser les itinéraires, loger et ravitailler les troupes. 
Au cours de ces différents épisodes, Champlain est peut-être initié à la cartographie par l'anglais Ralph Treswell qui cartographiait la province à la demande de lord Burghley, le principal conseiller d'Elizabeth Ire. On peut penser que Ralph Treswell avait certainement besoin de la connaissance du terrain acquise par un fourrier de l'armée royale et Samuel de Champlain a pu jouer ce rôle. (carte de Bretagne - part of Britaine from Sir John Norris 1594 -British Library)
En octobre 1594, Champlain participe à la prise de Quimper.
En novembre 1594, il participe avec l'armée royale et les anglais, à la prise du fort espagnol de Roscanvel qui tombe le 17.
"Champlain était alors certainement parmi les assiégeants, puisque la présence du chevalier de Potonville est attestée. Sous une pluie continuelle, des tranchées ont été creusées, des plates-formes d’artillerie ont été installées et les forces d’investissement ont été mises à la tâche : les Français ont pris position face au côté est du fort et les Anglais face au côté ouest, tandis qu’une flotte, envoyée par Élisabeth Ire et commandée par Martin Frobisher, patrouillait au large. Le siège a duré un mois et il a fallu le creusement d’une mine pour qu’une brèche fût ouverte. Le 17 novembre, les troupes franco-anglaises s’y sont engouffrées, la plupart des défenseurs ont été passés au fil de l’épée et le fort a commencé à être rasé. La menace que les Espagnols avaient fait peser sur Brest était enfin levée" (Pocquet: 255-260).

Champlain a ensuite séjourné à Quimper. Il y était fourrier, sans doute sous les ordres du maréchal des logis de la compagnie du sieur du Clou. les troupes du roi se sont reposées jusqu'à la fin janvier 1595. Puis, le maréchal d'Aumont en a conduit la plus grand partie à Corlay. Une fois la soumission de cette ville obtenue, il a cherché à s'emparer de la tour de Cesson dominant la baie de Saint-Brieuc, mais comme l’ordre était venu d’Angleterre de rapatrier les troupes de Norreys, il a dû attendre un éventuel contre-ordre pour déclencher une attaque obligatoirement conjointe, faute d’effectifs et d’artillerie suffisants. Obligées de se tenir à portée de Cesson et de l’armée anglaise retournée à Paimpol, ses troupes ont dû patienter (Trévédy, 1893: 117). Confronté au problème de leur ravitaillement, Aumont a alors probablement fait appel à Champlain pour bénéficier de sa connaissance de la région. Sans doute recommandé par le chevalier de Potonville, le jeune homme est sûrement venu avec une carte née de sa collaboration avec Treswell. C’est l’objectif vraisemblable du « voyage secret » qui l’a conduit à « aller trouver Monsieur le Maréchal » au début de mars 1595 (Champlain, 2010 : 166 et 170).
À l’occasion de cette mission, le fourrier Champlain est devenu "aide du sieur Hardy, maréchal des logis de l’armée du roi", au moins pendant la période allant de mars à décembre 1595. Cela lui a valu de confortables gages, de trente-trois écus un tiers chaque mois en mars et avril et de vingt-cinq écus mensuels de mai à décembre (Champlain, 2010 : 164-168)2. Les plus fortes sommes lui ont été versées alors que les troupes royales patientaient dans la région de Paimpol. Champlain pouvait alors utilement seconder les deux fourriers ordinaires de Jean Hardy, Paul Hubert et René du Bois, et il faut croire que sa connaissance de la géographie régionale a été appréciée car il a reçu les mêmes gages qu’eux malgré son jeune âge (Geslin de Bourgogne : 481-482). À partir de mai, sa position a changé, puisque l’armée du maréchal d’Aumont est repartie en direction de Rennes. Champlain n’était plus aussi indispensable au ravitaillement des troupes. On peut penser que Jean Hardy a souhaité le garder auprès de lui pour achever la carte du duché de Bretagne qu’il était en train de réaliser. De ce précieux document, on ne connaît que des versions qui ont été imprimées à partir de 1630 (Buisseret, 2009 : 257 et 259).


Ascendance de Samuel de Champlain
Dans son manuscrit "Brief discours“, Samuel de Champlain, affirme qu'il a été employé dans l'armée du roi qui était en Bretagne, sous messieurs le maréchal d'Aumont, de Saint-Luc, et du maréchal de Brissac, en qualité de maréchal des logis de la dite armée.
Jean d'Aumont maréchal de France en 1579
1529 - 19/08/1595
comte de Châteauroux
mort à Rennes des suites de ses blessures au siège du château de Comper

François d'Espinay, sieur de Saint-Luc
1554 - 8/09/1597
gouverneur de Saintonge et de Brouage
seconde le maréchal d'Aumont en 1592
et le remplace comme Lieutenant Général au Gouvernement de Bretagne à la tête de l'armée royale en 1595 

En 1595 (entre mars et décembre), Champlain rejoint le maréchal d'Aumont dans les environs de Paimpol pour le faire bénéficier de sa connaissance de la région. Il devient l'aide de Jean hardy, maréchal des logis de l'armée du roi.
En 1596 Champlain était encore présent à Rennes avec le gros de l’armée royale, car il a alors signé une quittance pour ses gages du mois précédent (Champlain, 2010: 166). François d’Espinay de Saint-Luc avait succédé au maréchal d’Aumont qui était décédé le 19 août 1595 des suites d’une blessure reçue lors du siège du château de Comper.

En 1597, Champlain se retrouve dans l'entourage de François d'Espinay, sieur de Saint-Luc, qui est à la tête de l'armée royale en Bretagne. En septembre, il retourne à Quimper et devient maréchal des logis d'une compagnie de cavalerie, puis enseigne de Louis de Millambourg (officier du régiment de Brouage). Et enfin lui-même capitaine de compagnie, lorsque Millambourg a été absent en avril 1597 (Champlain, 2010 : 170). Champlain a ainsi certainement participé à la défense de Quimper quand La Fontenelle a essayé de s’en emparer, à deux reprises, en avril et le 5 mai 1597, et il s’y trouvait sans doute encore quand la paix entre la France et l’Espagne a été conclue à Vervins le 2 mai 1598.
En 1598, Henri IV accorde l'édit de nantes à ses sujets protestants. La paix entre l'Espagne et la France est conclue le 2 mai 1598. 
Cette même année (mais après plusieurs tentatives infructueuses en 1578 et 1584, Troïlus de merguez, marquis de La Roche, fonde une colonie sur l'île des sables. C'est lui également qui après avoir été prisonnier de Mercœur pendant 7 années jusqu'en 1796, forme le dessein suivant l'exemple de La Fontenelle, de s'emparer de l'île d'Ouessant en vue de s'y établir en maître et, en s'y fortifiant.
La Roche comptait parmi ses amis le capitaine de la ville de Honfleur, autrefois lieutenant de châteauneuf-du-Faou. Il se nommait l'Estang et avait été, en 1592, arrêté par le sieur de Sourdéac, qui l'avait remis, comme prisonnier, au prince de Dombes. Troïlus ne s'était pas trompé en supposant que l'Estang saisirait avec joie l'occasion de se venger de René de Rieux, qui, en même temps que gouverneur de Brest et lieutenant-général du roi en Basse-Bretagne, était seigneur d'Ouessant.
Carte géographique de la Nouvelle-France par le sieur de Champlain Saint Tongois capitaine ordinaire pour le Roy en la Marinedans le cercle en pointillé blanc, l'isle des Sables. Voir l'épisode concernant le marquis de la Roche en cliquant sur le lien ci-dessous
lien pour l'épisode du marquis de la Roche, l'île des sables et Ouessant

En 1598,  Samuel de Champlain, aux côtés de son oncle Guillaume Allène, participe au rapatriement de la garnison espagnole de Blavet. Comme le traité franco-espagnol prévoyait la fourniture par Henri IV "de vaisseaux et mariniers" pour rapatrier la garnison espagnole de Blavet (Vidal et Pilleboue: 21), Champlain a saisi l’occasion de se rendre en Espagne.

Fraîchement licencié de l’armée royale, et donc "sans aucune charge ni emploi", Champlain s’est rendu à Blavet où il savait pouvoir retrouver son oncle Guillaume Allène. Celui-ci y résidait depuis au moins 1593. Il y commandait une petite flottille de trois bateaux armés par le gouverneur espagnol de Blavet. 
La flotte appareille le 23 août 1598. Champlain est à bord du Saint-Julien, navire appartenant en partie à son oncle Guillaume Allène et commandé par lui.Il arrive à Cadix le 14 septembre et séjourne à Sanlucar de Barrameda en octobre.
les bateaux français de la flotte auraient dû vite rentrer en France, mais le gouvernement espagnol ayant appris la prise de Porto Rico par les Anglais du comte de Cumberland, a décidé d’en retenir une partie, avec leurs équipages, pour grossir une armada chargée de reconquérir l’île. Le Saint-Julien a été choisi et envoyé à Sanlúcar de Barrameda pour y être caréné. Il y était encore à la fin d’octobre 1598 lorsque la nouvelle de l’évacuation de Porto Rico par les Anglais est arrivée en Espagne. Le départ de l’armada chargée de la reconquête a été annulé, mais il a été décidé d’incorporer les navires retenus à la flotte envoyée chaque année en Amérique pour en ramener de l’or et de l’argent (Vigneras, 1957 : 168-171). 
En 1599, la flotte des Indes occidentales commandée par Francisco Coloma quitte Sanlucar de barrameda le 3 février. Champlain l'accompagne à bord du Saint-Julien.

Au-delà de ces dates, les épisodes ultérieurs vécus par Samuel de Champlain au regard de ceux concernant René de Sourdéac, divergent et ne seront pas commentés. Mais il est intéressant de penser que ces deux personnages qui ont participé à des épisodes communs de la guerre de la Ligue, auraient pu ou se sont peut-être croisés, rencontrés, dans un de ces lieux. 

René de Sourdéac, arme un navire pour faire voyage 
vers l'Amérique en 1612
Petite parenthèse sur René de Sourdéac et sur cette épisode qui se déroule 18 années après les combats et la prise du fort “Castillo Del Leon“. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les relations ne sont pas vraiment cordiales entre les marines espagnoles et françaises. 

“En 1612, le capitaine Duparc, dit Chartier, de Brest, et 78 hommes de son esquipage, partis avec congé du Gouverneur, dans un navire de Monsieur Sourdéac, pour faire voyage vers l’Amérique, passant chemin entre le Portugal et les isles Assores, sont attaqués et pris par trois vaisseaux d’Espagne, qui tuèrent 17 de ses gens à l’abordage, 
et après le combat, les pendirent et jettèrent à la mer et emmenèrent à Lisbonne prisonniers ceux qui estoient restez, où enfin condamnez à estre pendus, et arrivez au gibet pour l’exécution, eurent la vie sauve par les religieux de la Miséricorde qui se rencontrant là de fortune, les demandèrent à la justîce, ainsi qu’est leur privilège en la dite ville et furent ces pauvres misérables à l’instant mis en gallères où ils sont encore de présent“.
(Levot - Histoire du port de brest - p.93) 

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