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Les migrants appelés en “gallo“ du pays de Redon appelés “maraouads“. Cette tranche de population rurale commence à apparaître dans l’ouest au cours du développement agricole de la première moitié du XIXe siècle et se poursuivra jusque dans les années qui vont précéder la guerre de 1914-1918.
Les “maraouads“ que l’on rencontre et qui s’installent dans les communes de La Gacilly, Glénac, La Chapelle-Gaceline, Cournon, Les Fougerêts, Saint-Nicolas du Tertre, Saint-Martin sur Oust, Carentoir, sont nés principalement dans d’autres communes du Morbihan et de l’Ouest. Beaucoup également viennent du nord-ouest de la Loire-Atlantique et certains du sud-ouest de la Loire Atlantique. D’autres viennent des départements de l’Ouest.
Ils quittent leur commune d’origine parce qu’ils n’ont pas de terre, ou pas de travail, ou parce qu’ailleurs ce sera mieux, ou parce qu’ils ont déjà quelqu’un de leur famille qui a tenté une expérience de “métayage“ ou de “fermage“.
Leur déplacement depuis leur commune d’origine vers celle d’adoption résulte en partie de plusieurs facteurs imbriqués qui ont représenté un élément déterminant de ces migrations.
Tous ces évènements ne se sont pas faits sans débats allant même jusqu’à des conflits opposant les intérêts individuels à ceux de la collectivité.
Ce sont souvent des “étrangers“ à la Bretagne qui portent un regard sévère sur le paysage des landes : Arthur Young agronome anglais, les trappistes de La Meilleraye anciens émigrés en Angleterre, Haëntjens armateur nantais d’origine hollandaise, Rieffel d’origine alsacienne. C’est à partir de 1825 que les partisans du défrichement vont réussir la mise en valeur des terres par le progrès des connaissances agronomiques, l’utilisation des engrais nouveaux, le noir animal, les amendements calcaires, le perfectionnement du matériel de labour, et parfois l’apport de capitaux importants.
Le “migrant-maraouad“ est une résultante, un “effet“ de ce “brassage“ d’idées et techniques nouvelles, auxquelles se sont confronté les propriétaires terriens dans leur “course“ pour améliorer les récoltes, le bétail, les terres, le paysage.
11 critères associés au phénomène “Maraouads“
2 • les nouvelles techniques et l’évolution du matériel agricole
3• les innovations appliquées à le fertilisation des sols
4 • le défrichement, le partage des “landes“, la loi de 1850, le partage des communs
5• l’enseignement agricole avec l’émergence de fermes-écoles dont Grand-Jouan à Nozay
6 • l’assèchement des zones marécageuses
7 • l’implication des grands propriétaires fonciers à valoriser leurs terres
8 • la mise en service du canal de Nantes à Brest
9 • la mise en œuvre généralisée du “cadastre napoléonien“
10 • les comices et concours agricoles
11 • les avantages fiscaux accordés à ceux qui défrichent
En 1833 son président était Louis-François de TOLLENARE (son épouse Aimée Clotilde Bourgault-Ducoudray était la fille de Guillaume-Henri BOURGAULT-DUCOUDRAY). Louis-François fonde la société des Jeunes Commerçants. Il entre à la Société Académique de Nantes et en devient secrétaire. Il est également “maitre d’œuvre“ lors de la création de l’hôpital St-Jacques de Nantes en 1832. Il sera trésorier des Hôpitaux. Parmi ses amis, figure Camille MELLINET (frère aîné du général Mellinet), imprimeur, éditeur, journaliste, homme de lettres. Il sera le premier à intoduire dans la région nantaise la presse mécanique. Il édite “le lycée armoricain“ en 1823. Ange Guépin, émile Souvestre sont de ses amis.
De 1838 à 1839 son président était Adolphe BILLAUT* (son épouse était Françoise Bourgault-Ducoudray dont la sœur Henriette était l’épouse de Jules RIEFFEL et dont le père était Guillaume Henri BOURGAULT-DUCOUDRAY négociant qui entre autre pratiquait la traite négrière (a armé 6 expéditions négrières entre 1818 et 1826).
Il était également président de la Chambre de Commerce de Nantes (1823, 1827 et 1828).
avocat et homme politique député de Loire-Inférieure, ministre de l’intérieur (1/11/1859).
Marié à Françoise (Fanny) BOURGAULT-DUCOUDRAY, ° 1804.
Adolphe BOBIERRE a été président en 1856 et 1865. Directeur d’une usine chimique à nantes en 1846. Il crée en 1852 le 1er laboratoire françois d’analyse agricole. Professeur de chimie à l’école préparatoire des Sciences et des Lettres de Nantes puis directeur de 1866 à 1881. Il est à l’origine de la mise en évidence dans son laboratoire de l’effet fertilisant des roches sédimentaires phosphatées. Très présent dans les comices agricoles. S’est impliqué dans la lutte contre la fraude sur le “noir animal“. Ange Guépin était de ses relations.
On peut citer comme autres président de la Société académique de nantes entre autres : Camille MELLINET (1841), Evariste COLOMBEL (1847-1848 et 1854), Olivier de SESMAISONS (1860), Théophile LAÊNNEC (1872).
Tous ont travaillé au perfectionnement des sciences et arts par des recherches non interrompues, par la publication des découvertes, par la correspondance libre et non convenue avec d’autres Sociétés savantes et ont suivi les travaux scientifiques, mécaniques et littéraires.
En 1828, sont effectués les premiers essais de la fameuse charrue mise au point par Mathieu de Dombasle à Roville (Vosges). On passe du labour en billons au labour à plat en planches. En 1838, au premier concours départemental à proximité de Nantes, Une “araire Dombasle“ conduite par un ancien élève de Grand Jouan remporte facilement le premier prix de labour. Les anciennes charrues en bois sont à partir de 1867, progressivement remplacées par des charrues en fer ou en fonte et à socs plats, à bi ou polysoc. La charrue-Brabant à socs pivotables est également une innovation importante..
Un nantais François Lotz né en 1809, constructeur de machines à vapeur et de machines agricoles, construit de 1833 à 1848 des machines à vapeur pour la minoteries, des bateaux... Il se spécialise vers 1848 dans la construction de machines à battre. Puis à partir de 1863 met au point des locomotives routières et des machines à labourer à vapeur. Il en fera l’expérimentation dans sa ferme modèle du domaine de Ferrais à Savenay.
Le concours régional de Nantes de 1859 présente de nouvelles machines agricoles. Les plus nombreuses sont destinées au battage des céréales : tarares, batteuses, manèges, machines à vapeur. Mais aussi des charrues, du matériel de drainage, des herses, rouleaux à disque, houes à cheval, semoirs mécaniques, moissonneuses-batteuses, moissonneuses-faucheuses, machines à broyer le chanvre, le raisin ou les pommes ; des coupe-racines, hache-paille, aplatisseurs, concasseurs. Bascules et instruments de pesage. Presses à foin, fil de fer barbelé.
Entre l’expérimentation et le terrain, il y a un fossé à combler.
Mais peu de choses ont changé dans les travaux quotidiens des paysans. On moissonne encore à la faucille. On fanne à la faux, qui elle, ne s’est encore pas imposée. On sème à la main. Seule la houe à cheval, connaît un véritable succès parce que peu coûteuse. Les encouragements des comices et des pouvoirs publics n’y pourront rien. Il faudra attendre la fin de la guerre 1914-1918 qui en créant un hécatombe d’hommes jeunes, ouvrira la voix aux faucheuses et moissonneuses mécaniques.
L’exposition nationale de Nantes de 1861 (du 10 août eu 30 octobre), s’ouvre sous le haut patronage de S.M. l’impératrice Eugénie, sous la présidence de ferdinand Favre, sénateur-maire de Nantes. Le vice-président en est le comte Olivier de Sesmaisons, président de la société académique de Loire-Inférieure. Bobierre en est le secrétaire.
Des jurys d’examen sont constitués afin de décerner des prix aux exposants, récompensés par des médailles distribuées, le jour de la clôture de l’exposition, aux projets réunis préalablement en trois divisions, neuf groupes, quinze classes.
Dans le jury du 1er groupe Industrie, on trouve Ducoudray-Bourgault, membre de la société académique, Rieffel, directeur de la Ferme-école de Grand-Jouan. Dans le 2e groupe, Eon-Duval, ingénieur des Ponts et chaussées. Dans le 4e groupe, Pihan-Dufeuillay, professeur à l’école de médecine.
Machine à vapeur locomobile, système P. Renaud et Adolphe Lotz Exposition nationale de annates 1861 |
L’expérience agronomique a montré dans les années 1820-1830 que les sols ont besoin qu’on leur restitue des éléments minéraux exportés par les plantes. L’expérimentation a mis en évidence qu’il est nécessaire d’apporter deux éléments principaux pour fertiliser les sols : le phosphore et le potassium. En outre, un cycle de l’azote (enfouissement des matières organiques, fumiers, débris végétaux) doit être observé pour restituer au sol les minéraux azotés et leur apport à la plante sous forme de nitrates. Cette intervention quintuplera les possibilités de rendement des plantes cultivées.
P (phosphore), K (potassium) et N (azote) sont les trois principaux éléments fertilisants.
Les agriculteurs nantais vont découvrir qu’en apportant de l’acide phosphorique sous forme de noir animal dans les sols acides, aura pour effet d’augmenter leur niveaux de rendement. Par ailleurs, la chaux, indispensable au sol pour que celui-ci ne soit pas trop acide et son utilisation par chaulage ne provoque pas à elle seule une augmentation durable des rendements, et n’est pas un élément déterminant de la fertilisation, seulement un rôle nécessaire mais secondaire.
Le noir animal
Ce sont les progrès de l’industrie du sucre de canne, qui sont la cause indirecte de la découverte du noir animal. L’emploi du noir d’os dans le raffinage du sucre montre son pouvoir filtrant et permet de décolorer les sucres bruts.
Après filtrage, il reste une sorte de “boue noire“. Ce résidu les industriels ne savent qu’en faire et est jeté en décharge... On s’aperçoit qu’une végétation inhabituelle se développe à proximité de ces tas de déchets.
Des essais sont faits sur des terres de jardin et ne donnent pas de résultats probants dans un premier temps. Mais Rissel et Jollin, deux industriels nantais, réalisent des expériences qui vont prouver le spectaculaire effet fertilisant de ce noir d’os animal. En 1828, ce seront 128000 hl qui seront produits dont 15000 à Nantes.
En 1830, l’usage du “noir animal“ est devenu une pratique courante dans la région nantaise, la Vendée et l’Anjou.
Cette matière, complexe, contient de la poudre d’os calciné, du sang, des matières organiques et des traces de sucre, le tout mélangé à chaud dans des cuves puis soumis à une fermentation une fois stockée.
Ce “noir animal“ va faire l’objet de spéculation commerciale et frauduleuse entre 1828 et 1840. Vers 1840 arrivent d’Angleterre les “guanos“. le premier chargement arrivera à Nantes en 1842. Nantes a en 1840 le quasi-monopole du commerce européen du noir animal. Cet engrais sera redistribué dans un rayon de 8o km autour de Nantes et déborde les limites départementales.
Le succès du “noir animal“ vient que son effet fertilisant est particulièrement spectaculaire sur les terres de landes dont le défrichement et la mise en valeur devenait plus facile et économiquement rentable.
Après 1860, il sera concurrencé par d’autres engrais phosphatés.
les phosphates naturels
la hausse prodigieuse des prix du “noir animal“ entraîne à rechercher ailleurs et à exploiter les nodules de phosphate que l’on trouve à l’état naturel dans certaines régions (Ardennes). Ces phosphates arrivent à Nantes à un prix trois fois moins cher que le “noir animal“, mais se heurtent à un scepticisme quasi général.
Les premiers essais par Bobierre en 1857, montrent et prouvent leur facile assimilation par les végétaux sous condition de les mélanger aux litières animales pour accélérer cette assimilation.
les engrais azotés
Vers 1850, Pierre-Adolphe Bobierre* pressent le processus de nitrification de l’azote organique dans le sol, suite aux expériences de Kulhmann et de Boussingault qui ont mis en évidence le fait que l’azote organique se décompose en ammoniaque et en nitrates “deux corps éminemment fertilisants“.
Devient assistant du chimiste Jean-Baptiste Dumas à la faculté de médecine de Paris.
Bobierre est nommé en 1846 directeur d’une usine de produits chimique à Nantes
Suite à une nouvelle réglementation pour lutter contre la fraude sur le “noir animal“ mélangé à la tourbe. et les engrais en 1841, sera créé le premier laboratoire d’analyse agricole en 1850, faisant suite au bureau de vérification des engrais en 1837. Bobierre analysera près de 700 échantillons en 1851 car les commerçants ont obligation d’un certificat officiel d’analyse pour vendre. Ceci participera à l’amélioration de la teneur en phosphate.
• En 1873, Bobierre dénonce “une industrie interlope“
• En 1878, rien n’a changé et il s’étonne de l’apathie générale : “il suffit de se promener sur les quais de Redon, Rennes et Nantes, pour constater les trafics de matières sans intérèt incorporées aux phosphates, vendues ensuite en sacs étiquetés phosphates fossiles et expédiés vers divers centres de Bretagne“
• En 1884, le laboratoire de chimie agricole se transforme et devient “station agronomique“
Dès 1844, Kulhmann professeur de chimie puis industriel, expériments les effets du sulfate d’ammoniaque sur les prairies.
• vapeurs et émanations pestilentielles surtout pour leurs bestiaux qui pacagent sur la dite lande depuis le partage des communs.
Ils protestent donc et proposent d’autres emplacements plus appropriés et concluent au rejet du projet
17 habitants (tous cultivateurs) et Louis Evain, propriétaire de la Luardais, ainsi que François Lubert conseiller municipal, s‘opposent.
les 17 opposants au projet
• Pierre Danibert, cultivateur à Boisneuf, (section G)
• Jean Danibert, cultivateur à Boisneuf
• Louis Lecadre, cultivateur à Boisneuf
• Mathurin Royer, conseiller municipal, de Boisneuf
• Louis Clinchard, cultivateur, de Boisneuf
• François Lubert, conseiller municipal, la Burgotais (sectionG)
• Jean Diguet, cultivateur à la Burgotais
• François Sallé, cultivateur à la Burgotais
• François Morice, cultivateur à la Burgotais
• Jean Burban, cultivateur à la Burgotais
• La veuve Séguin, née Guiho, la Burgotais
• Jean le cadre, cultivateur à la Burgotais
• Jean Guiho, cultivateur de la Burgotais
• mathurin Moisan, cultivateur à la Ville Eloy (section F)
• Yves Guillaume, cultivateur à la Ville Éloy
• Jean Dabo, cultivateur à Prénoué (section H)
• Louis Evain, propriétaire à La Luardaie (section H)
Le conseil de préfecture passe outre et émet le 10 juillet 1863, un avis favorable à l’établissement projeté sur la langue de Grisan n° 288 du plan parcellaire, section F de la Ville Eloy avec comme conditions :
• que le hangar soit couvert en ardoise et non de chaume, pour prévenir les risques d’incendie.
• de clore cet établissement
• d’apporter les os complètement décharnés
• de mener la calcination des os en vase clos et de diriger la fumée des fours dans une cheminée commune, contruite en brique et élevée de dix mètres au-dessus du sol.
Au XIXe siècle, la terre est un capital. Les ressources végétales et animales en sont ses principales richesses. La terre est un revenu pour les agriculteurs, laboureurs, propriétaires fonciers, exploitants agricoles, fermiers, métayers, sur lequel l’État prélève des impôts et taxes diverses. Concernant le foncier, quand on se reporte sur les matices cadastrales, selon la nature des propriétés bâties ou non, une contribution sera prélevée. D’où un classement pour chaque lieu-dit du cadastre avec sa contenance et le revenu. La superficie totale d’une commune est donc répartie en fonction de sa nature : maison, mâsure, bâtiment, courtil, jardin, verger, terre labourable, pâture, pré, herbier, bois, taillis, châtaigneraie, cerclière, lande, vivier, étang, marais...
Charrue Bodin avec avant-train. Exposition nationale de Nantes 1861 |
En 1824, il apparaît que par exemple :
. section A Saint-Jugon 52,5 %
. section B Broheas (ou des landes) 75,7 %
. section C Le Tay 17,34 %
. section D La Bouère 16,19 %
. section E La Gacilly 32,4 %
Ce pourcentage élevé de landes constitue pour les communes un espace inculte et inexploité.
le partage des landes
Loi du 27 août 1792 (article 9 et 10)
Cette loi relative au rétablissement des communes et des citoyens dans les propriétés et droits dont ils ont été dépouillés par l’effet de la puissance féodale, a créé, au profit des communes, une présomption générale de propriété sur les terres “vaines et vagues“. Cette présomption est opposable à toute personne qui doit, pour la renverser, faire preuve de son droit de propriété.
Toutefois, pour tenir compte d’anciennes dispositions coutumières, l’article 10 de la loi précitée a dérogé, dans les cinq départements qui composaient la Bretagne, aux dispositions applicables dans le reste de la France, en prévoyant que « les terres actuellement vaines et vagues, non arrentées, afféagées ou accensées connues sous le nom communes, frost, frostages, franchises, galois, etc... appartiendront exclusivement, soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux ci-devant vassaux qui sont actuellement en possession du droit de communer, mottoyer, couper landes, bois ou bruyères, pacager ou mener leurs bestiaux dans les dites terres, situées dans l’enclave ou le voisinage des ci-devant fiefs ».
(Cass. Civ. 20 janvier 1965, n° 62-13934, Bull. civ. n° 56).
Cinquante ans après la date d’entrée en vigueur de la loi de 1792, plus de 70 000 hectares de ces terres étant restés dans l’indivision et sous-exploités, il a fallu mettre fin à cette situation préjudiciable tant aux intérêts particuliers qu’à l’économie du pays.
Loi du 06 décembre 1850
Cette loi a institué une procédure relative au partage des terres vaines et vagues dans les cinq départements composant l’ancienne province de Bretagne. Initialement exécutoire pour une durée de vingt ans, elle a été prorogée à plusieurs reprises, la dernière fois en date du 23 juillet 1921, pour cesser de s’appliquer le 1er janvier 1931.
Les communes en profiteront pour vendre de grands morceaux de landes dont elles se disent propriétaires. Mais la Restauration prêtant au retour des anciens usages féodaux, Les droits des anciens vassaux seront privilégiés au détriment des communes quand le problème se pose. Ainsi les anciens vassaux ou leurs héritiers viennent réclamer leurs droits sur les landes mises en partage. Les conflits deviennent fréquents. Ce flou du régime juridique et les variations de la jurisprudence ont des conséquences désastreuses quand on en vient à parler de partage, sous la pression des nouveaux agriculteurs gagnés par la fièvre des défrichements.
Au fur et à mesure que les défrichements font preuve de leur rentabilité, que les terres défrichées prennent de la valeur, l’idée s’impose qu’il faut procéder au partage malgré les difficultés.
La demande en partage qui émane toujours d’un particulier, est rendue publique par voie d’affiches placardées dans les mairies, les églises, sur les marchés, par avis d’insertion dans un journal local, par signification aux maires et au préfet, par lecture publique à la sortie des messes.
La loi de 1850 est prorogée jusqu’en 1880, date à laquelle cesseront l’essentiel des partages de communs.
Deux courants continueront de s’affronter :
• les traditionnels partisans du statu Quo : il y a des terres à blé, des terres à seigle, et les terres à landes. Nos pères pratquaient déjà comme çà ? Dieu l’a voulu ainsi.
• les modernistes partisans du défrichement, pour qui les landes sont stériles, sauvages, désolées, désertiques. Ce sont souvent des étrangers du pays qui portent un regard sévère sur le paysage des landes (Arthur Young, les trappistes de la Meilleraye, Haentjens, Rieffel).
Les partisans des défrichements se rattachent à la tradition libérale. Ils voient le régime des communs comme des traces d’archaïsme, vestiges du régimes féodal. Cet état d’incertitude augmente la difficulté autant pour sortir de cette indivision que d’y rester.
Autant les précurseurs du défrichement avant 1820 s’en trouveront décus voire ruinés, autant la réussite de ceux après 1825 sera une réussite économique. Les pionniers doivent supporter l’incrédulité et la méfiance de la population. Ceux qui suivront bénéfiecieront des progrès des connaissances agronomiques, du perfectionnement du matériel de labour. Un argument imparable : des landes achetées 20 francs l’hectare en 1820, évaluées ou revendues 500 à 600 francs vingt ans plus tard va convaincre tout possesseur de landes de l’intérèt du défrichement.
Pourtant dès 1757, un avantage fiscal aurait dû peser sur les décisions en faveur du défrichement : les Etats de bretagne exemptent pour 20 ans de toutes impositions réelles les terres nouvellement défrichées.
Deux types de conflits persisteront :
• ceux qui opposent les populations locales aus grands défricheurs qui forment parfois des sociétés (Haentjens-Rieffel)
• ceux résultant des modalités d’application du partage des communs.
Des actions en justice seront intentées pour déterminer qui est en définitive le vrai propriétaire. Le verdict rendu dans l’affaire Haentjens renforcera son statut de propriétaire privé et fera date.
En 1848, Jules Rieffel, un agronome alsacien, y fonde une école nationale d’agriculture. Une école qui s’est implantée sur un domaine de 500 ha, dans les landes de Grand-Jouan.
“La commune de Nozay avait vendu ces terres incultes, en 1814, à un armateur hollandais qui entreprit de les fertiliser“, Ce fut le point de départ d’une grande aventure. Dès 1837, Jules Rieffel y emploie une main-d’oeuvre locale pour le défrichage. Et à partir de 1850, dix-sept métairies, sous son égide, pratiquent la polyculture et développent les prémices d’un élevage intensif qui va se diffuser dans toute la région.
http://journals.openedition.org/ruralia/1852
Etablissement agricole exemplaire de Grand-Jouan Fabrique d'instruments aratoires perfectionnés - 1850 |
• une structure d’enseignement agricole gratuite pour les jeunes pauvres.
Ces derniers bénéficiaient d’une instruction essentiellement pratique en exécutant les travaux de la ferme. Ils recevaient par ailleurs une prime qui devait correspondre à une rémunération de leur travail.
Sur le plan agricole, les fermes-écoles constituaient le berceau de la dite “nouvelle agriculture“ intensive du 19e siècle ou du système de polyculture-élevage.
Mais l’histoire des fermes-écoles est également celle des hommes, les fondateurs et directeurs exploitants de ces dernières. Héritiers de la pensée agronomique de Mathieu de Dombasle, ils représentaient une nouvelle génération d’exploitants “éclairés“. Ils pratiquaient “l’agriculture raisonnée“ et géraient leurs fermes en entrepreneurs. avec une double fonction (formative et productive.)
L’action vulgarisatrice des fermes-écoles est comparée à celle de différentes voies de formation agricole de l’époque (comices, sociétés d’agriculture, professeurs départementaux, livres et journaux, voyages agricoles, etc.).
Nos analyses s’appuient sur une très grande variété de sources manuscrites et imprimées. Les recherches documentaires ont été effectuées au sein des Archives nationales, de celles d’outre-mer (CAOM), des Archives diplomatiques de Nantes et dans une douzaine de dépôts d’archives départementales, notamment celles des départements de l’ancienne Bretagne. Outre les sources écrites, les sources imprimées portant sur les fermes-écoles sont abondantes. On peut les trouver dans différents types de documents : textes officiels (décrets, circulaires et arrêtés), rapports ministériels sur l’enseignement agricole et les fermes-écoles, ainsi que sur les travaux agricoles de ces dernières (rapports de jury des concours régionaux), comptes rendus des décrets, bulletins et annuaires du ministère de l’Agriculture, et enfin les revues et journaux, en particulier les Annales agricoles de Roville, celles de Grignon, et l’Agriculture de l’Ouest de la France pour la ferme-école de Grand-Jouan.
Les origines et la naissance des fermes-écoles
Entre les tentatives éphémères des années 1760-1770 pour former de bons laboureurs instruits, et la naissance officielle des fermes-écoles en 1848, presque un siècle s’était écoulé, marquant une évolution lente mais logique. En effet, il fallait au préalable réaliser des changements politiques, économiques et sociaux favorables à la petite paysannerie à laquelle s’adressait l’instruction professionnelle. La formation des chefs d’exploitation au sein des exploitations-écoles des premiers instituts, notamment celui de Roville, constitua une phase de transition essentielle pour la mise en place des fermes-écoles. Au sein de la ferme-exemplaire de Roville dans les Vosges (1822-1842), Mathieu de Dombasle fit connaître les principes de la nouvelle agriculture, pratiquée ensuite dans les fermes-écoles fondées à partir de 1830 par d’anciens élèves des instituts (Roville, Grignon, Grand-Jouan, La Saulsaie) ou des agriculteurs autodidactes qui puisaient leur savoir agricole dans les comptes rendus de Mathieu de Dombasle sur ses “succès et revers“ dans la ferme de Roville.
Suite à ces initiatives, l’apprentissage agricole fut particulièrement mis en avant au cours du deuxième quart du 19e siècle.
L’organisation et le fonctionnement des fermes-écoles
Dans l’organisation et le fonctionnement d’une ferme-école, intervenaient d’une part les liens existant entre la ferme et l’école, et d’autre part les rapports entre l’État, les directeurs exploitants et les collectivités. L’intégration de l’apprentissage agricole au système d’enseignement professionnel public imposa en effet, en plus de la tutelle financière de la part de la direction de l’Agriculture, une tutelle administrative et technique concernant les deux activités des fermes-écoles : la formation et la production. Bien que celle-ci fût gérée aux risques et périls des agriculteurs, l’encadrement par l’État de l’exploitation agricole était justifié par l’intérêt public qu’elle présentait. Étant un lieu d’instruction professionnelle pour les élèves-apprentis, l’exploitation agricole devait, du fait de ses performances techniques et de ses résultats économiques, être digne de son rôle d’école publique. Aussi la ferme devait-elle bien remplir son rôle de “modèle“ pour les environs...
... Ce double rôle des fermes-écoles influait sur la mise en place des établissements, à la fois sur le choix du domaine et du directeur. Il influait également sur le recrutement des élèves-apprentis ; devait-il s’effectuer selon les aptitudes agricoles ou selon le niveau scolaire ? De même, il avait un impact sur le fonctionnement des deux activités de l’institution : la durée de l’apprentissage, l’emploi du temps entre études et travaux, ainsi que les rapports sociaux, notamment entre le directeur et les élèves-apprentis. Ces derniers représentaient-ils pour lui plutôt des élèves ou des ouvriers ? Les actions des fermes-écoles dépendaient en grande partie de la capacité des directeurs exploitants à parvenir à un équilibre dans le fonctionnement des deux activités de la ferme. À ce sujet, quel était l’ordre de priorité fixé par l’État pour ces deux activités de l’institution ? Les réponses à ces interrogations précisent le cadre dans lequel les fermes-écoles exerçaient leurs rôles.
Rôles et actions des fermes-écoles
En leur qualité de représentant du premier degré de l’enseignement agricole, les fermes-écoles devaient répondre à des obligations imposées par leur statut scolaire : programmes pour l’enseignement théorique et les travaux agricoles à la ferme, examens, diplôme, etc...
Les fermes-écoles de Bretagne : des établissements de progrès agricole au XIXe siècle
Le mouvement amorcé en faveur de l’agriculture sous la Restauration sur le plan national trouva un écho favorable en Bretagne (Parmi eux, le vicomte de Lorgeril était un précurseur dans le domaine du défrichement et se souciait de la mise en place des structures de vulgarisation agricole, notamment des comices agricoles dès le début du 19e siècle). En effet, alors que l’agriculture de France rattrapait déjà son retard sur des pays d’Europe du Nord, celle de Bretagne restait considérée comme l’une des plus reculées du pays. Cette prise de conscience se traduisit au début des années 1830 par la création des deux premières fermes-écoles en Loire-Inférieure et en Ille-et-Vilaine. Les départements de basse Bretagne eurent eux aussi leurs fermes-écoles par la suite, conformément à l’application du décret du 3 octobre 1848. Les fermes-écoles de cette province sont intéressantes par la variation de leurs modes de faire-valoir, leurs travaux agricoles et la gestion des directeurs exploitants. S’y ajoute la forte identité socioculturelle de cette région, aspect mis en évidence à travers l’étude de certains établissements.
Grand-Jouan en Loire-Inférieure : une ferme-école au cœur des landes de Bretagne
Au début du 19e siècle, le retard de l’agriculture bretonne était attribué d’une part aux biens communaux faisant alors obstacle à la mise en valeur des landes et d’autre part à l’absence d’une main-d’œuvre qualifiée. Avec le début des ventes des biens communaux, fut créée la ferme-école de Grand-Jouan sur un domaine faisant partie des terres vaines de la commune de Nozay, dites les landes de Bruyères. Celles-ci servaient de lieu de pâturage commun aux riverains. Fondé en 1830 par Jules Rieffel, ancien élève de Mathieu de Dombasle, et par Charles Haëntjens, armateur nantais, cet établissement réunissait le talent agricole du premier et l’expérience en affaires du second. Négociant, Haëntjens avait par ailleurs la passion de l’agriculture et montrait son savoir-faire agricole. Mais ce fut Rieffel qui mena à terme les travaux de défrichement et assura l’activité formative de la ferme-école. Il fit de cette dernière une grande entreprise agricole de production et de formation.
On peut alors se demander comment ce jeune agronome gérait la mise en valeur de ce domaine de 500 hectares incultes dans sa majorité, sans chemin, sans bâtiments et avec une main-d’œuvre non qualifiée. Quelle méthode de défrichement adopta-t-il ? Quels procédés de culture ? Comment gérait-il la main-d’œuvre ? Il faut par ailleurs rappeler que le département de la Loire-Inférieure bénéficiait d’une autre ferme-école, celle de Saint-Gildas. Elle fut créée en 1849 afin de répandre l’instruction agricole parmi les habitants du marais. En 1832, soit deux ans après la création de Grand-Jouan, un autre agronome, ancien élève de Grignon, Jean Bodin prit la direction de la ferme-école des Trois Croix en Ille-et-Vilaine.
Ferme-école de Grandjouan |
Etablissement agricole de Grandjouan |
Une ferme-école agro-industrielle : l’établissement des Trois-Croix
La ferme-école des Trois-Croix bénéficiait – à l’instar de l’exploitation de Roville – d’une fabrique d’instruments agricoles perfectionnés, activité annexe de l’activité agricole proprement dite et de l’enseignement. Le directeur exploitant, Jean Bodin y créa par ailleurs une fabrique de fromage grâce à laquelle le camembert fut introduit en Bretagne. Cette fromagerie est à l’origine de l’école de laiterie de Coëtlogon. La succession réussie de Bodin fils à la direction de l’entreprise permit au département d’Ille-et-Vilaine de bénéficier d’un grand établissement de progrès agricole pendant près de 60 ans. Il offrait un autre modèle de ferme-école, différent de celui de Grand-Jouan par la nature de ses travaux agricoles, le mode de faire-valoir, le profil de ses élèves et la gestion de ses directeurs. Les Bodin transformèrent cette ferme-école d’une petite exploitation de huit hectares à ses débuts en une grande entreprise agricole aux activités multiples. Leur action au sein de cet établissement montre que la petite exploitation agricole pouvait en ce début du 19e siècle se développer lorsqu’elle bénéficiait d’une gestion agricole et économique éclairée. L’étude des différentes activités de la ferme-école dans le cadre de la gestion des deux directeurs permet d’apprécier le rôle qu’elle joua au service de l’agriculture d’Ille-et-Vilaine pendant près de six décennies.
Les fermes-écoles de la basse Bretagne : le caractère local de l’agriculture bien démontré
Chacune de ces fermes-écoles avait des points communs et des différences avec ses voisines de Loire-Inférieure et d’Ille-et-Vilaine. Cependant, en comparaison de la haute Bretagne, les fermes-écoles de basse Bretagne avaient dans leur ensemble plus de similitudes entre elles. Ces variations entre les deux parties de la province étaient liées aux caractéristiques physiques du sol, mais également à l’environnement socioculturel. Nous traitons ainsi des spécificités de l’activité agricole en basse Bretagne avant de présenter les actions de ces fermes-écoles parfois oubliées, car dans l’ombre de celles de haute Bretagne. Sont ainsi étudiées les fermes-écoles de Kerwazek-Trévarez (Finistère), dirigée par Louis de Kerjégu, celle de Trécesson dans le Morbihan, dirigée par Crussard avant son transfert à Grand-Resto ainsi que les deux fermes-écoles des Côtes-du-Nord. La première, Carlan, était sous la direction de Clésieux et la seconde, Castellaouenan, avait pour directeur Saisy. Après les établissements, la dernière partie de l’étude est donc consacrée aux « entrepreneurs ».
Des “agents du progrès“ : autour des hommes des fermes-écoles
Les fondateurs et les dirigeants des fermes-écoles représentaient ces agronomes et agriculteurs « éclairés » du 19e siècle, avides de progrès agricole. Ils étaient des grands propriétaires et parfois des fermiers au sein des différents départements de métropole. Mais l’œuvre des fermes-écoles fut également transportée vers d’autres pays sous l’occupation française. Afin de mieux apprécier les actions entreprises au
sein de l’ensemble des établissements, cette dernière partie propose d’étudier tout d’abord les directeurs exploitants des fermes-écoles de métropole. Parmi les fermes-écoles coloniales, celles fondées par des Français en Afrique du Nord et en Syrie font l’objet du dernier chapitre de l’étude.
Des “agronomes éclairés“ à la direction des fermes-écoles
Les agronomes « éclairés » du 19e siècle qui dirigeaient les fermes-écoles étaient d’anciens élèves de Roville ou d’autres instituts créés par imitation de celui-ci ; ils furent tous influencés par la pensée agronomique de Mathieu de Dombasle. Au-delà de ses réalisations agricoles et de son action formative à l’institut de Roville, ce dernier transmit une nouvelle pensée agronomique. Elle gravite autour de trois notions : instruction pratique en agriculture, économie politique et gestion – notamment comptable – de l’entreprise agricole. Cela permet de mieux apprécier les actions agricoles de certains agronomes, anciens élèves des instituts : Dombasle fils à la ferme-modèle de Verneuil (Maine-et-Loire), Bruchard à la ferme-école de Chavaignac (Haute-Vienne) et Coche à celle de La Bâtie (Isère). Ces agronomes étaient d’anciens élèves de Roville. Parmi ceux de l’école de Grignon, sont étudiés Villepin à la ferme-école de La Pilletière (Sarthe) et les Bouscasse à celle de Puilboreau (Charente-Inférieure).
Des agriculteurs “éclairés“ : des élites non agronomes à la direction des fermes-écoles
Ces directeurs exploitants ne bénéficiaient pas d’une formation agronomique acquise dans un cadre institutionnel. Parmi eux, des agriculteurs de métier mais également des ingénieurs, notaires, anciens officiers, etc., passionnés par les choses de la terre. Leur histoire suivit l’évolution de la propriété, et notamment en ce qui concerne les fermes-écoles, celle de la grande propriété. Avec la mise en place de ces établissements, ils cessèrent leurs activités professionnelles pour se consacrer eux-mêmes à l’exploitation de leurs propriétés affermées et les convertir en fermes-écoles. On dénombre parmi eux des légitimistes destitués de leurs fonctions, repliés sur leur domaines. Ce retour à la vie rurale traduisait par ailleurs une évolution des mentalités. Ces grands propriétaires choisirent de quitter les villes pour habiter à la campagne, et de surcroît former les fils de paysans pauvres. Ils se tenaient au courant des nouvelles questions agronomiques et des procédés préconisés par le système de polyculture-élevage. Parmi eux, sont étudiés le baron de Vauce et le comte d’Ussel pour les fermes-écoles de Belleau et des Plaines, Théodore Denille et Charles Haëntjens pour celles de Besplas (Aude) et Grand-Jouan (Loire-Inférieure), ainsi que Billot pour l’établissement de Prieuré (Maine-et-Loire).
Administrateurs coloniaux et congréganistes : les fermes-écoles outre-méditerranéennes
Les fermes-écoles d’outre-mer sont mal connues. Celles créées dans les années 1920-1930 par les Français en Algérie ainsi que sous le mandat et le protectorat, représentaient jusqu’alors un sujet inexploré. Nous étudions les fermes-écoles de Guelma et d’Aïn-Témouchent en Algérie, de Sidi-Naceur de Smidja (anciennement El-Ansarine) en Tunisie, de Béni-Mellal au Maroc et de Bouka en Syrie.
Aussi, grâce à leur pédagogie fondée sur l’exemple, les fermes-écoles représentaient le moyen de vulgarisation le plus efficace. Elles avaient certes leurs limites quant à la diffusion du « progrès ». En premier lieu, leurs zones d’influence auraient pu être étendues si elles s’étaient répandues à tous les arrondissements comme le prévoyait initialement le législateur de 1848. Leur action vulgarisatrice était par ailleurs “freinée“ au sein de certaines fermes-écoles par des facteurs relatifs au contexte agricole et socioculturel local : mode de faire-valoir, situation de la main-d’œuvre agricole, usage du patois, etc. Cependant, les directeurs exploitants des fermes-écoles parvinrent à convaincre des paysans qu’une culture « rationnelle » et un élevage soigné permettaient d’augmenter le rendement et les recettes de l’exploitation. Ils réussirent dans cette tâche sans pour autant bouleverser ou mettre en cause toutes les pratiques “traditionnelles“ accumulées depuis des siècles ni douter de la “sagesse paysanne“ des petits cultivateurs . Sur le plan de l’enseignement, ces structures constituaient en outre les seuls lieux de formation professionnelle pour les fils de paysans pauvres au 19e siècle. Malgré leur histoire institutionnelle mouvementée – réductions budgétaires, suppressions et transferts d’établissements, mise en place de structures concurrentes –, les fermes-écoles continuèrent à représenter pour quelques-uns un moyen d’ascension sociale tout en adaptant leur enseignement à l’évolution de l’agronomie à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle.
Les résultats obtenus ouvrent de nombreuses pistes de recherches et représentent une valeur ajoutée pour l’histoire agraire et rurale, mais trois perspectives sont en particulier dans la continuité de notre travail. Partant de cette étude d’ensemble, on pourrait traiter d’autres fermes-écoles que celles présentées dans la thèse, afin de mieux apprécier l’action vulgarisatrice de cette institution. La démarche serait par exemple entreprise sur un plan régional, comme nous l’avons fait pour la Bretagne. La seconde démarche s’envisage dans l’élargissement de l’étude des fermes-écoles d’outre-mer. La diversité agricole et socioculturelle des établissements et leurs échanges avec la métropole mériteraient que l’on tente d’approfondir cet aspect mal connu de l’institution et de l’agriculture coloniale en général. La troisième consiste enfin à étudier l’apprentissage agricole de 1918 à 1966, entre la réforme de l’enseignement professionnel de l’agriculture et les lois d’orientations agricoles. À quels besoins répondait l’apprentissage non scolaire en agriculture ? Quelle était sa conception pédagogique ? Comportait-il des points communs avec l’apprentissage des fermes-écoles ? Une telle étude permettrait de constituer avec la nôtre une histoire de l’apprentissage agricole en France.
Pour citer cet article
Référence électronique
Nagwa Abou El Maaty, « La scolarisation de l’apprentissage agricole en France : les fermes-écoles au service de l’agriculture et de son enseignement (19e siècle-début 20esiècle) », Ruralia 2007, mis en ligne le 11 avril 2009, consulté le 23 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/ruralia/1852
Auteur
Nagwa Abou El Maaty
Acheté le 22 août 1826 à M. Bondeville, et avant de devenir un établissement d’enseignement, le château voit s’installer une fabrique de sucre de betteraves à partir de 1829.
Le domaine de 300 hectares de Coëtbo est situé dans la commune de Guer (56). À la fois école d’agriculture, fabrique d’instruments aratoires et ferme modèle. Créé par Hyppolite Louis de Béchenec et sous l’impulsion d’Émile de Girardin*, il ouvre en juillet 1833 et accueille jusqu’à 300 élèves.
Les matières enseignées sont la physique et la chimie appliquée, l’agriculture, l’arithmétique et la comptabilité, la géométrie et l’arpentage, l’agriculture raisonnée, l’éducation et l’économie des animaux, l’art du vétérinaire, étude pratique de travaux.
A partir de juin 1835, elle est réorganisée sur de nouvelles bases, devenant “école d’agriculture“ et M. Doncker prend la tête de l’établissement.
L’école fermera définitivement ses portes en 1837. après 3 ans d’existence.
En 1846, le château appartient à Jean Louis Rouaud et Louise Authrine Rochery, fille de Stanislas Rochery (industriel Nantais ?), cf recensement de Guer aux ad56.
Journaliste , inventeur de la presse moderne. Il crée le 1er journal. Il crée “la Presse“ en 1836, 1er journal quotidien politique, agricole, industriel et commercial à prix modique en y introduisant, entre autre, la publicité
Institut agricole de Coëtbo |
plan de la ferme-école de Coëtbo |
L’implantation de la première ferme-école du Morbihan est fixée par un arrêté du 7 avril 1849 à Trécesson en Campénéac. Alphonse Bourelle de Sivry (1799-1862), propriétaire du domaine de Trécesson, afferme le château, les métairies et leurs terres à la première colonie agricole du Morbihan. Bail contracté pour 18 ans et interrompu en 1863.
Le premier directeur de la ferme-école de Trécesson, M. Audrain devient en 1849 fermier d’un domaine de cent-quarante-et-un hectares répartis en prairies, pâtures, bois, jardins et étangs.
De 1849 à 1855, le nombre d’élèves de la ferme-école de Trécesson ne dépasse jamais les vingt-cinq. M. Audrain entreprend de moderniser le domaine de Trécesson. Il introduit de nouvelles cultures - le trèfle et le choux - afin de favoriser une meilleure alternance. Il cherche à améliorer le sol par des labours plus profonds.
M. Jean-Claude Crussard directeur de Trécesson de 1856 à 1863
Jean-Claude Crussard quitte son domaine agricole de l’Ermitage (Sixt-sur-Aff, Ille-et-Vilaine) avec sa femme, ses deux filles, ses chevaux et ses bœufs et prend la direction de la ferme-école en 1856. Il contracte un bail de dix-huit ans à raison de 4000 francs annuels, pour devenir fermier du domaine de Trécesson et rachète le cheptel, le foin, la paille et le fumier au précédent directeur pour 10 000 francs. La partie de la terre de Trécesson consacrée à la Ferme-École se compose de trois anciennes métairies réunies et comprenant ensemble : 40 hectares de terre labourable, dont 2 hectares 50 en jardins, 30 hectares de prés naturels, 55 hectares de lande. Ce n’est pas là bien sûr une exploitation bien importante ; mais, placée au milieu de terres très divisées et dans un département où les fermes les plus étendues ne le sont guère plus qu’elle.
Jean Cormerais dernier directeur de l’établissement agricole de 1863 à 1867
Sous sa direction, chaque promotion comprend trente-six élèves bénéficiant d’un enseignement d’une durée de quatre ans.
1869, fin de la ferme-école de Trécesson
L’enseignement agricole à Trécesson cesse en 1869. La ferme-école du Morbihan est transférée à Grand-Resto près de Pontivy (56).
Fondée par le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine près de Rennes, qui en donne la direction à Jules Bodin (ancien élève de l’école de Grignon). La ferme-école de 31 ha s’agrandit entre 1850 et 1877 à 92 ha, constituait une annexe de l’Ecole normale primaire de rennes et ne reçut le statut officiel qu’en avril 1869. Entre 1837 et 1860, la fabrique, annexé à la ferme-école, produit plus de 20000 instruments agricole, du plus simple au plus compliqué. En 1877, elle employait 150 ouvriers.
À partir de 1866, Jules Bodin se retire progressivement de la direction des Trois-Croix et cède sa place en 1867 à son fils Eugène (1843-1882), qui assure l’enseignement et la direction de la ferme et de la fabrique. Le nombre d’instruments fabriqués est passé de 1600 en 1858 à 40000 en 1870.
En 1878, il remporte une médaile d’or à l’exposition universelle.
La crise agricole a entraîné le déclin de la ferme-école à partir de 1878. La baisse du prix des céréales et de la viande, principales productions de l’Ouest, mit en difficulté la clientèle de la fabrique, qui subit une baisse brutale des ventes en 1879.
Acquise par le conseil général, la ferme-école se transforma en école pratique, conformément à la loi de 1875. Pendant cette période plus de 100 employés perdirent leur travail et la fabrique déposa son bilan en 1890.
• la ferme-école de Saint-Gildas des Bois 1849-1876
Créé par M. Deloze (fonctionne de 1849 à 1891, puis transformé en laiterie en 1903).
Ce type d’établissement créé en 1830 avait pour but d’enseigner les progrès de l’agriculture. Au programme, techniques de culture et d’élevage, comptabilité, gestion, médecine vétérinaire, sans oublier le français et les mathématiques, le tout dispensé dans le cadre d’une discipline stricte où figuraient en bonne place les obligations religieuses. L’établissement était dirigé par un propriétaire qui en tirait ses revenus et était donc exploité par des élèves stagiaires sous la conduite de professeurs qui s’engageaient à former et éduquer en échange d’une subvention de l’état. Au terme de leur scolarité de 3 années, les meilleurs élèves étaient très convoités par de riches propriétaires terriens qui souhaitaient leur confier la direction de leurs nombreuses fermes modèles alors en vogue.
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Cinq catégories d’exploitations agricoles coexistent :
• les grands propriétaires (avec régisseur, maître-valet)
• les propriétaires exploitants
• les modes d’exploitation mixte (propriétaires-fermiers, métayers, journaliers)
• les fermiers
• les métayers
Ce sont les grands propriétaires (pourtant leur nombre reste marginal) qui vont s’emparer et bénéficier du “progrès agricole“. Souvent instruits, bourgeois ou nobles, ils avaient toute faculté de faire un autre métier que celui d’agriculteur. C’est par intérèt personnel et souvent en se croyant investis d’une mission de progrès qu’ils s’y engagent.
Un système d’agriculture fondé en partie sur la science et la technique, dirigé par des hommes formés à la pensée rationnelle, va imprégner une agriculture fondée sur une tradition multi-séculaire, faite d’empirisme et de pragmatisme auxquels viennent se mêler des présupposés irrationnels.
La “routine“ ou le “progrès“
Le paysan est un élément appartenant à un groupe. Il est membre d’une famille, d’une paroisse d’un petit pays. Il n’est que secondairement citoyen d’une commune, d’un canton, d’un arondissement, d’une nation.
Le champ qu’il cultive, il le laboure de la même manière que le labourait son père. Le plus souvent, le paysan ne sort de son exploitation et de son village que pour aller à la messe le dimanche. L’église, la place de l’église, les bistrots du bourg, forment trois lieux de sociabilité. Le curé, par le confessionnal, connaît et peut contrôler ses ouailles. Il est quasiment impossible de s’opposer frontalement au curé. Les seuls qui peuvent exercer une influence sur le prêtre sont les châtelains qui se comportent en “bienfaiteurs de la paroisse“ par des dons pour reconstruire l’église, par des aumônes, par l’aide sociale. La place de l’église et les cabarets sont des endroits où s’exerce la liberté d’expression populaire. La sortie de messe, c’est l’heure des publications officielles lues par le sacristain ou le garde-champêtre (arrêtés municipaux, avis officiels, convocations aux comices, publications de mariage...)
Le paysan, de producteur devient aussi commerçant lorsqu’il vend une partie de sa production pour couvrir ses frais. Il se rend aux foires et marchés et découvre dans les transactions le rapport à l’argent. Il prendra goût à la possession de pièces de monnaie. C’est par ce vecteur que les vulgarisateurs du progrès agricole tenteront de vaincre les tendances routinières du paysan.
Dans ce monde paysan, on discute peu de politique : c’est l’affaire des notables. Ce sont donc les grands propriétaires qui ont souvent une double résidence, mais aussi les membres des professions libérales, notaires, médecins, juge de paix qui auront ce rôle. Ils assureront leur rôle de leaders naturels dans les campagnes, prendront en charge l’intérèt public, s’engageront dans l’action politique et dans l’action technique. Dès 1830, ils y seront encouragés par le pouvoir politique. Dès la fin de la restauration, l’appât du gain est considéré comme un ressort légitime et essentiel de l’activité humaine et l’encouragement à l’acquisition de richesses mobilière est la doctrine officielle de la Monarchie de juillet. Ce que Guizot synthétisera dans son mot d’ordre : “Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne“
Et “l’innovateur“ sera donc soit un étranger à la paroisse soit une personne ayant un statut particulier comme “le châtelain“ par exemple.
Dans ces rôles d’innovateur-précurseurs, on retrouve Dom Antoine, le père abbé de l’abbaye de la Meilleraye, Charles Haentjens bourgeois néociant nantais pionnier de l’agriculture, le docteur Guépin qui deviendra un industriel des engrais, Jules Rieffel directeur de la ferme-école de Grand Jouan à Nozay qui enseignera, diffusera et vulgarisera les nouvelles connaissances, les nouveaux matériels, les nouvelles cultures, les nouvelles races bovines et chevalines...
La mise en valeur des terres passe par :
• le défrichage
• les plantations (haies, pins maritimes)
• l’aménagement des prairies
• l’irrigation
• le drainage des sols et fossés
• l’enrichissement des sols
• l’apport d’engrais (acide phosphorique et chaux)
La mise en valeur a un coût. Un hectare de landes achetées 20 f. représente 5 à 600 f. d’investissement pour devenir productif et rentable.
1841 : louis robin de Morhery (médecin, homme politique) exploite avec M. Simon ((négociant-armateur) une ferme de 72 ha près de Loudéac et expériment l’utilisation des phosphates. Il crée des fermes-modèles et développe des comices agricoles.
1854 : Edmond Heusschen, industriel belge, s’installe à Montjean sur la Loire. Il produit de la chaux qui va être vendue en Bretagne et acheminée par voie d’eau par les mariniers.
1855 : ouverture de la dérivation de l’Oust près de Redon.
1857 : les bateaux nantais transportent le “noir animal“. Puis ce sera les engrais pour les amendements qui favorisent la culture du froment au détriment du seigle.
Ce qui entraînera un énchérissement des terres.
Dès 1858, le canal participe et contribue au développement du centre Bretagne notamment en amenant des amendements agricoles. Il faudra du temps pour que les paysans comprennent que leurs terres souvent acides ont besoin d’être amendées.
Napoléon III durant l’été 1858, visite la Bretagne et est accueilli avec enthousiasme par les Bretons. À Brest le 9 août, puis Pays de Lorient, Sainte-Anne d’Auray, Vannes où il visite sa nièce Elisa Napoléone Baciocchi installée à Colpo où elle dirige un établissement éducatif. Puis Saint-Brieuc, Saint-Malo, Rennes.
“Je veux que les canaux fonctionnent en même temps que les chemins de fer et concourent avec eux à la prospérité du pays...“ proclame t-il à Pontivy le 16 août 1858. Le comte de Chambord, légitimiste, lance aux légitimistes bretons qui lui avaient promis de perturber le voyage “vous m’avez trompé“.
Dans les mêmes années vers 1860, le chemin de fer va concurrencer la navigation mais aussi prolonger le canal. Rennes-Redon en 1862.
1865 : Le Paris-Brest est inauguré.
1870, désastre de Sedan, l’empire s’effondre.
La ligne de Redon est mise en œuvre en 1872.
1879 : obtention de la libre circulation des marchandises.
Le chaland en bois Papyrus de Denoual (halé par un cheval) sur le canal de Nantes à Brest. |
La loi du 15 septembre 1807 est à l’origine du cadastre parcellaire.L’arpentage parcellaire était nécessaire et de fin 1808 à 1821 ce travail, suite à l’ordonnance royale, commença sur cette nouvelle base.
• l’arpentage sera précédé de la délimitation des communes.
• chaque propriétaire recevra un bulletin indiquant la situation, le nature et la contenance de chaque parcelle de fond qui lui aura été donné sur le plan.
• l’arpentage est confié dans chaque département à un géomètre en chef qui a le choix de ses collaborateurs (agréés par le préfet), qu’il paie sur sa rétribution, et dont il est responsable.
• tout géomètre commissionné doit exercer ses fonctions lui-même. Cependant il peut s’adjoindre jusqu’à deux auxiliaires, avec l’agrément du géomètre en chef.
• un atlas relié pour la commune et deux tableaux d’assemblage.
• l’ouverture des travaux d’arpentage est annoncé par un avis que le préfet fait afficher dans les communes.
• le géomètre délimitateur parcourt la commune, avec le maire et indicateurs nommés par ce dernier, et en forme un plan visuel sur lequel il met les noms des propriétés et propriétaires adjacents, de part et d’autre, à la ligne périmétrale ; indique les noms des chemins, rivières, ruisseaux… afin de rédiger le procès-verbal de délimitation.
Une fois l’arpentage achevé, la commune est divisée en sections. La contenance de chaque section doit être, environ de 3 à 400 hectares, et environ 1000 parcelles.
L’arpentage
Le géomètre arpenteur fait en sorte d’avoir, par mille arpents métriques, 9 ou 10 points, placés de manière à tenir l’ensemble de la commune. Il utilise à cet effet, un graphomètre à lunettes, donnant les minutes. Il utilise également une planchette avec son déclinatoire et son alidade, une boussole, une équerre, un rapporteur et une chaîne décimétrique d’arpentage (le géomètre-arpenteur, en arrivant dans la commune, doit tracer le long d’un mur ou sur un terrain de niveau, la longueur d’un décamètre, pour y appliquer sa chaîne tous les jours, afin d’être constamment assuré de son exactitude).
Le géomètre vérifie également la justesse de l’alidade qui sert à la planchette
Ces opérations étant faites, le géomètre arpenteur en fait le rapport au méridien du lieu, et il porte sur un registre le résultat des calculs ; puis il met la triangulation et les lignes brisées, aux proportions de 1 à 50000. Une copie de ce canevas trigonométrique est adressée au directeur des contributions.
Antoine RIXAIN expert-géomètre à Mauriac (Cantal) 1745 - 1827 Il tient une équerre sur son pieu et une chaîne d’arpentage |
Croix d'arpenteur emmanchée sur un trépied en bois |
Quelques grands propriétaires connaissaient le succès des “Comices“ qui réunissaient les éleveurs pour les concours d’animaux. En Bretagne, Louis de Lorgeril propriétaire de la Motte-Beaumanoir à Plesder près de Dinan, ce que l’on considère comme étant le premier comice agricole en 1815.
Ces assemblées réunissant propriétaires et fermiers sont peux fréquentées au début, et connaissent plus de succès quand on y ajoute des attractions populaires.. Mais elles reposent seulement sur l’initiative et les fonds d’un grand propriétaire.
En 1820, de Lorgeril propose de répandre cette formule et demande au gouvernement de dégager des crédits pour la distribution de primes d’encouragement pour l’amélioration des bovins. Le gouvernement accepte et décide de tenter cette expérience dans 20 cantons.
En 1828, proposition de la création de conseils d’agriculture départementaux. Charles Haentjens fera partie en 1829 des douze premiers représentants officiels de l’agriculture en Loire-Inférieure. Mais le régime de Charles X est balayé. Le bilan des diverses tentatives et initiatives est léger.
L’administration de Louis-Philippe encouragera et recommendera des sociétés d’agriculture “se réunissant spontanément pour développer une science agricole pratique se rapprochant le plus possible des champs et des cultivateurs“.
Adolphe Thiers propose sa définition des comices : “Des réunions tenues dans les champs par les propriétaires, des fermiers, etc..., dans le but d’observer ensemble les cultures de leur pays, et de mettre en commun pour le profit de tous, l’expérience des uns avec l’étude des autres ; du juger du mérite des cultivateurs qui font bien, en les honorant, en les encourageant par de légères récompenses“.
Un administrateur, qui a multiplié ces comices autour de lui, les as appelés des écoles d’enseignement mutuel pour l’agriculture. On y décerne des prix, soit à ceux qui ont le mieux tenu leurs terres ou qui se sont procuré les meilleurs instruments agricoles, soit aux laboureurs qui, dans un concours, mènent le plus habilement la charrue ; à ceux qui présentent les plus beaux chevaux, ou poulains, ou bêtes bovines, etc. ; enfin à ceux qui méritent distinction suivant les différentes branches de la culture locale“.
À partir de 1830 et surtout de 1840, un floraison d’associations apparaissent ayant pour but le progrès agricole et les améliorations de l’agriculture.
Un “jury d’agriculture“ présidé par le juge de paix, par le maire et un élu spécialiste des questions agricoles sera mis en place dans chaque chef-lieu de canton et distribuera des “primes d’encouragement“ pour : les prairies artificielles, les cultures fourragères, puis l’élevage des bobins et des ovins. Par la suite un “inspecteur d’agriculture“ sera nommé devenant le premier animateur des comités de développement*.
En 1842 se créera un “Comice central“ reposant sur l’alliance des techniciens et des quelques grands propriétaires progressistes**.
Dans le statut du Comice central, une particularité : “Tout membre s’engage à provoquer dans son canton la formation d’un comice cantonal ou à se joindre à celui qui serait déjà formé“.
Sa fonction technique se double d’un caractère festif et politique. Il faut faire passer dans les mœurs que c’est la fête de l’agriculture.
Le comice né sous le second empire devient une tradition dans cette période d’enrichissement pour l’agriculture, presque un “âge d’or“ et ce jusqu’aux années qui précèdent 1900.
En 1895, création tardive du comice de Saint-Nicolas de Redon (44) dont le président porté par un mouvement de paysans, est le marquis de l’Estourbeillon (propriétaire à Avessac mais habitant Vannes).
Beaucoup d’aristocrates sont propriétaires fonciers
“...et seront ainsi conduit à cotoyer les petits notables des communes qui exercent des fonctions subalternes dans les bureaux des comices, les fonctionnaires de petites bourgades et les professions libérales qui trouvent là un lieu de sociabilité. Les jours du concours ou lors des visites des exploitations, le contact s’établit avec l’élite de la paysannerie qui peut servir de relais auprès de l’ensemble de la population. Il ne reste qu’à se faire apprécier d’eux, ce qui n’est pas difficile : il suffit souvent d’accepter de les saluer, de montrer que malgré tout ce qui sépare encore le grand propriétaire du simple fermier, on peut se rencontrer. C’est donc sur ces mécanismes d’intégration sociale qui se mettent au point au sein des comices, que ceux-ci deviennent des creusets où se forme une cohésion nouvelle entre les groupes sociaux qui vivent dans et par l’agriculture*...“
La petite bourgeoisie commerçante et artisanale va vite comprendre l’intérèt des comices pour le développement de ses propres activités. Fabricants de matériel agricole, marchand d’engrais et commerçants en bestiaux, tous ont un intérèt vital au développement de l’agriculture et de l’élevage.
Le comice opère une transformation de la mentalité paysanne. La médaille rapportée du comice confère une satisfaction personnelle mais aussi un statut social et une confiance en soi durables, ainsi qu’une reconnaissance de leur valeur professionnelle.
On récompense aussi les serviteurs ruraux pour leur bons et loyaux services, pour la longévité dans la même place, pour la fidélité au même maître. “Bien servir ses maîtres, c’est servir Dieu.“
Quand on est femme, la seule petite chance de pouvoir obtenir une distinction de la part d’un comice est d’être une vieille servante de ferme.
“ Pour la première fois sans doute, une alliance du château, des notables du bourg et des grandes fermes ou métairies ne passe pas par l’église et le presbytère, mais par des réunions à la mairie ou sur le champ de foire : c’est la naissance d’un mouvement professionnel organisé qui sera vécu par beaucoup d’agriculteurs comme une nouvelle famille dans laquelle ils se sentiront plus à l’aise que dans l’église“
... “ Les métayers qui seront en position de se procurer des bœufs croisés Durhams feront bien d’en profiter pour l’engraissement. Ils y trouveront un avantage certain.
J’ai eu personnellement l’occasion de mettre à l’engrais plusieurs bœufs parthenays, comparativement, dans la même étable, avec plusieurs bœufs Durhams-bretons ; ces derniers ont été bons à livrer au boucher trois mois avant les autres. Ils avaient tous eu les mêmes rations ensemble, et étaient soignés par le même homme.“
C’est ainsi que gustave FLAUBERT, dans son roman Madame Bovary, dans le chapitre VIII,
il s’inspire d’un épisode réel et commente, celui du comice de Darnétal (chef-lieu de canton dans lequel se trouve Ry) le 18 juillet 1852.
... La foule arrivait dans la grande rue par les deux bouts du village. Il s’en dégorgeait des ruelles, des allées, des maisons, et l’on entendait de temps à autre retomber le marteau des portes, derrière les bourgeoises en gants de fil, qui sortaient pour aller voir la fête. Ce que l’on admirait surtout, c’étaient deux longs ifs couverts de lampions qui flanquaient une estrade où s’allaient tenir les autorités ; et il y avait de plus, contre les quatre colonnes de la mairie, quatre manières de gaules, portant chacune un petit étendard de toile verdâtre, enrichi d’inscriptions en lettres d’or. On lisait sur l’un “Au Commerce“ ; sur l’autre : “À l’Agriculture“ ; sur le troisième : “À l’Industrie“ ; et sur la quatrième : “ Aux Beaux-Arts.“
... Le pré commençait à se remplir, et les ménagères vous heurtaient avec leurs grands parapluies, leurs paniers et leurs bambins. Souvent, il fallait se déranger devant une longue file de campagnardes, servantes en bas bleus, à souliers plats, à bagues d’argent, et qui sentaient le lait, quand on passait près d’elles. Elles marchaient en se tenant par la main, et se répandaient ainsi sur toute la longueur de la prairie, depuis la ligne des trembles jusqu’à la tente du banquet. Mais c’était le moment de l’examen, et les cultivateurs, les uns après les autres, entraient dans une manière d’hippodrome que formait une longue corde portée sur des bâtons.
Les bêtes étaient là, le nez tourné vers la ficelle, et alignant confusément leurs croupes inégales. Des porcs assoupis enfonçaient en terre leur groin ; des veaux beuglaient, des brebis bêlaient ; les vaches, un jarret replié, étalaient leur ventre sur le gazon, et, ruminant lentement, clignaient leurs paupières lourdes, sous les moucherons qui bourdonnaient autour d’elles. Des charretiers, les bras nus, retenaient par le licou des étalons cabrés, qui hennissaient à pleins naseaux du côté des juments. Elles restaient paisibles, allongeant la tête et la crinière pendante, tandis que leurs poulains se reposaient à leur ombre, ou venaient les téter quelquefois ; et, sur la longue ondulation de tous ces corps tassés, on voyait se lever au vent, comme un flot, quelque crinière blanche, ou bien saillir des cornes aiguës, et des têtes d’hommes qui couraient. À l’écart, en dehors des lices, cent pas plus loin, il y avait un grand taureau noir musclé, portant un cercle de fer à la narine, et qui ne bougeait pas plus qu’une bête de bronze. Un enfant en haillons le tenait par la corde.
Cependant, entre les deux rangées, des messieurs s’avançaient d’un pas lourd, examinant chaque animal, puis se consultaient à voix basse. L’un d’eux, qui semblait plus considérable, prenait, tout en marchant, quelques notes sur un album. C’était le président du jury : M. Derozerays de la Panville...“
Dès 1757, un avantage fiscal aurait dû peser sur les décisions en faveur du défrichement : les Etats de bretagne exemptent pour 20 ans de toutes impositions réelles les terres nouvellement défrichées. La loi du 23 novembre 1793 reprécise l’application de ce régime fiscal pour les landes en assurant les défricheurs de ne pas être asujettis à une augmentation d’impôts pendant 10 ans.
Deux types de conflits persisteront :
• ceux qui opposent les populations locales aus grands défricheurs qui forment parfois des sociétés (Haentjens-Rieffel)
• ceux résultant des modalités d’application du partage des communs.
Des actions en justice seront intentées pour déterminer qui est en définitive le vrai propriétaire. Le verdict rendu dans l’affaire Haentjens renforcera son statut de propriétaire privé et fera date.
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