Le 19 mai 1854, le navire à vapeur "Berthollet" arrive à Varna, où les Turcs ont une garnison de 6000 hommes, pour préparer et planifier l'expédition alliée commandée par le maréchal Saint-Arnaud, contre les Russes.
Omer-pacha apporte lui-même à Varna la nouvelle que les Russes suite à une offensive, avancent en toute hâte, jettent des ponts sur le Danube, et se concentrent autour de Silistrie. Cette place a une garnison de 18000 hommes.
Le 22 mai, le maréchal Saint-Arnaud commandant en chef de l'expédition en Crimée, arrive à Varna. L'amiral Hamelin est à bord du "berthollet" et une conférence se tient à l'issue de laquelle l'amiral met à la disposition du maréchal toute sa flotte pour le transport des troupes et leur débarquement assez difficile à Varna.
24000 hommes de troupes français débarqueront à Varna en deux voyages.
La population Bulgare restée dans le Pays (occupé par les Turcs) obéissant à un fanatisme aveugle, que surexcitaient encore de sourdes menées, refusait de rester à notre service, malgré une solde de 3 francs par jour, attribuée aux plus misérables voitures bouvières. L'on était parvenu, écrit le maréchal (St-Arnaud) à en retenir huit cents, exactement payées chaque soir, bœufs et conducteurs nourris ; cent cinquante ont déserté en une nuit. Étroitement gardés à vue, les Bulgares brisent leurs voitures ou les brûlent, pour qu'elles ne puissent servir au transport de nos approvisionnements."
Le 28 juin, Saint-Arnaud écrit : "dans douze jours, je serai en mesure de me porter en avant. La 4e division a dû s'embarquer hier ou aujourd'hui sur la flotte de l'amiral Bruat. Constitué, je marcherai avec des quatre divisions et leurs accessoires formant un tout de 50000 hommes. L'armée anglaise n'attend plus que quelques bataillons encore à Gallipoli, et les escadrons de cavalerie, encore en mer, pour être en mesure. Notre ensemble présentera 70000 hommes de troupes."
Le 5 juillet est organisée une revue militaire, passée en revue par Omer-Pacha.
Après avoir abandonné Silistrie, l'armée russe avait opéré une grosse concentration de 80 à 100000 hommes à Calarasch, sur la rive gauche du Danube.
Le choléra à Marseille
deuxième pandémie de choléra entre 1823-1837
troisième pandémie entre 1840-1850
le 7/12/1834, un premier cas de choléra se déclare à Marseille et dure 111 jours, touche 1874 habitants dont 865 victimes.
une seconde épidémie en octobre atteint 5199 habitants dont 2576 victimes.
En août 1849, une épidémie se propage et fait en 4 mois 2252 victimes.
en juin 1854, un dragon venant d'Avignon fut déclaré cholérique par l'hôpital militaire. En novembre 3069 victimes furent déclarées.
En 1855 entre août et septembre, une nouvelle flambée emporte 1328 victimes.
Marseille compte alors plus de 200000 habitants.
C'est un grand port. Cette "porte de l'Afrique" fût également celle des agents pathogènes dans les deux sens. Une grande inégalité sociale avec des quartiers résidentiels qui avoisinent des quartiers très pauvres où vivent dans un grand dénuement des marins, ouvriers et artisans, est un facteur d'aggravation et de propagation d'épidémies qui commencent toutes entre les mois de juin et août et s'arrêtent spontanément malgré l'absence de traitement efficace, entre octobre et décembre. En réalité, le choléra ne disparaît pas de Marseille entre les pics épidémiques. Il est probable qu'il y avait une "endémisation" du choléra à Marseille avec des bouffées épidémiques.
La sécheresse avec concentration de population autour de points d'eau est une explication à l'origine des épidémies, à recrudescence saisonnière.
A Marseille, le tout-à-l'égout n'était que dans un tiers des quartiers de la ville. Les eaux usés de certains logements sont déversés dans des puisards ou directement dans la rue. Lorsqu'il existait des égouts, ils étaient anciens, non étanches, de taille insuffisante, débordant en cas d'orage. Une grande partie d'entre eux se jetaient dans le Vieux-Port, devant la mairie, contaminant le rivage.
Carte de quelques"mouvements" de troupes des Divisions du Corps expéditionnaire français au début de la guerre de Crimée au moment de l'épidémie de choléra (avril 1854 - août 1854)
avant le transport de ces troupes par navire vers Eupatoria (Presqu'île de Crimée
L'épidémie de choléra à Varna
...C'est alors, qu'au milieu de toutes ces difficultés, de tous obstacles, de toutes ces éventualités contraires, nous voyons apparaître le plus terrible de toutes les complications : le choléra. Il s'était déclaré à Gallipoli, et ne pouvait tarder à frapper aux portes de Varna. Fléau implacable qui allait décimer ces belles et admirables troupes, l'admiration et l'orgueil de leur chef. La mort devait les frapper dans l'inaction, et se glisser furtive et inexorable au milieu des tentes amoncelées.
Le lac qui entourait Varna et les marais qui l'avoisinent répandaient déjà leurs miasmes fiévreux.
"Il fait une chaleur tropicale, L'eau se dessèche, les fontaines se tarissent, les rares ruisseaux sont à sec. L'état sanitaire est encore généralement bon, mais déjà des malaises subits, des vomissements disent que le moment approche, où la plus terrible des luttes, la lutte sans gloire, va commencer"
écrit un officier d'état-major du maréchal Saint-Arnaud.
Un des aides de camp du maréchal écrivait au ministère de la guerre : "Le Maréchal est persuadé que le choléra qui s'est déclaré à Malte, au Pirée, à Gallipoli, vient des apports successifs de la 5e division, embarquée sous l'influence cholérique qui régnait à Avignon, Arles, Marseille, au moment de leur départ. Le maréchal espère que l'on aura suspendu tout nouvel envoi. Les renforts ne seraient en ce moment qu'un aliment de plus pour les hôpitaux."
...Malte, le Pirée, Gallipoli étaient atteints. A Gallipoli, les hôpitaux se remplissaient, et les tombes se creusaient autour des camps. Les vivants d'aujourd'hui étaient les morts du lendemain. Cet amas infect de maisons mêlés aux immondices de toute nature, que l'indolence des habitants du pays laissait croupir au coin des rues, sur le seuil des habitations, semblait un audacieux défi jeté à l'épidémie. Dans l'armée, autour des camps, dans les bivouacs, les mesures les plus rigoureuses de salubrité étaient prescrites, mais toute agglomération d'hommes porte en soi un germe funeste. En outre, les transports de troupes qui arrivaient du midi de la France apportaient des cholériques.
Le choléra faisait sa funeste moisson au Pirée et à Gallipoli.
Le duc d'Elchingen, commandant d'une brigade de cavalerie, en fut atteint le 14 juillet, et sa disparition eut beaucoup de retentissement. Le général Carbuccia, chef d'état-major général du camp du midi, commandant de la Légion étrangère était également victime de l'épidémie le 17.
|
Varna sur le bord de la Mer Noire sera la deuxième base opérationnelle de l'armée francaise pour "contrer" les troupes russes dans les régions de Valachie et de Moldavie. Varna, sera également la base de départ de la Flotte et de l'armée française avant le débarquement en Crimée à Eupatoria (au nord de Sébastopol) |
|
Général Certain de Canrobert commandant la 2e Division du 1er Corps d'Armée commandant en chef (du 29/09/1854 au 26/09/1855) après le décès du Maréchal Saint-Arnaud le 26 septembre 1854 Sera nommé Maréchal le 18 mars 1856 Sa division a été l'une des plus touchée par l'épidémie de choléra avec un "pic" fin juillet 1854 dans la Doubrodja |
Le 9 juillet, le choléra se déclarait dans les hôpitaux de Varna et gagnait chaque jour d'intensité. Le choléra commençait à exercer dans l'armée de sérieux ravages. L'immense agglomération d'hommes sur un même point, une chaleur insupportable, d'affreuses exhalaisons, provenant des immondices dont les rues de Varna étaient remplies malgré les ordres les plus sévères, tout faisait craindre que ce ne fût le prélude d'une épidémie terrible et générale.
Le 13 juillet, le "Primauguet" apportait à Baltchick le choléra. C'est après avoir débarqué à varna des troupes passagères atteintes par l'épidémie, que les premiers symptômes se firent sentir dans son équipage. Le navire fut mis an quarantaine. Mais l'épidémie devait continuer son œuvre aussi bien sur les bâtiments que dans l'armée de terre.
Fin juillet, le Général Canrobert rejoint sa division qui part en reconnaissance dans la Dobrutscha en remontant par Mangalia et Kustendjé, dans la perspective de faire "un coup de main" rapidement et vigoureusement contre les Russes. Quelques combats sérieux eurent lieu contre les Cosaques mais ces derniers battirent en retraite en se repliant sur Babadagh. Les colonnes des Généraux Lespinasse et Yussuf avaient prévu de tomber à l'improviste par une marche de nuit sur ce gros des troupes réuni aux alentours de Babadagh, mais au moment où, l'ordre de départ fut donné, 500 hommes restèrent étendus sur le sol et ne purent se relever. Le choléra s'était abattu sur la colonne expéditionnaire. À huit heures, il y avait déjà 150 morts et 350 agonisants. Il ne s'agissait plus de combattre, de chercher un ennemi, sans cesse disparaissant devant soi, mais bien d'échapper à un fléau.
|
ambulance militaire pendant la guerre de crimée |
|
|
Cacolet : bât installé sur un mulet pour servir à l'évacuation des soldats malades ou blessés |
Morts et mourants étaient entassés sous les tentes. Des cadavres jonchaient le sol de tous côtés. Les fosses se creusaient, les terres remuées répandaient à l'infini des émanations pestilentielles. Souvent les bras qui creusaient le sol, s'arrêtaient avant d'avoir fini leur œuvre, et celui qui tenait la pioche, s'étendait silencieusement, pour ne plus se relever, sur le bord de la fosse entr'ouverte. Ceux qui vivaient encore étaient chargés sur des chevaux ou portés à bras par les soldats ; les attelages d'artillerie étaient encombrés de malades.
Cette nuit fatale fut la nuit du 30 juillet 1854.
Le 31, la division réunie évacue ses malades sur Kustendjé, où le vapeur le "Pluton" les recueille.
Le fléau continue à frapper ; il redouble, il augmente ses coups. Dans la nuit et la matinée, plus de 800 malades sont évacués successivement sur Kustendjé avec tous les chevaux et mulets du corps des officiers de l'artillerie.
Le 1er août la division quitte le camp de Pallas (près de Mangalia), emportant, hélas, avec elle, la mort dans ses entrailles. Le 2 août, l'épidémie a tellement augmenté d'intensité, le nombre des malades est devenu si considérable, que les cacolets, les litières et les arabas ne peuvent suffire ; on emploie à ce triste usage les chevaux de main et les mulets des généraux et des officiers.
ordre du jour du général Canrobert
"Le fléau qui depuis dix jours n'a cessé de peser sur nos rangs a, à peu près disparu. La Providence, en vous l'envoyant, a voulu éprouver votre courage, votre résignation ; ces vertus de l'homme de guerre ont été chez vous au-dessus du mal, dont il lui a plu de vous frapper. A l'exemple de vos pères à Jaffa, vous avez montré devant le choléra le même front serein qui rendit les glorieux vainqueurs des Pyramides et de Monthabor encore plus grands devant la peste, qu'ils ne l'avaient été devant l'ennemi, et attira sur eux l'admiration de l'histoire.
Je vous remercie mes camarades, de votre dévouement. J'en rends compte à votre Général en chef, dont la sollicitude vous suit, et qui, après avoir pourvu à vos besoins, m'écrivait : Je vous loue du calme et de l'ordre qui ont régné dans votre colonne au milieu des circonstances difficiles, où se révèle la véritable valeur de ceux qui commandent et de ceux qui obéissent.
Chefs et soldats, vous avez été ce que vous serez toujours, les enfants d'élite de la France : fermes devant le danger, sous quelque forme qu'il se présente, et sans cesse prêts à donner à votre patrie et à notre Empereur une existence qui leur appartient et qui est entre les mains de Dieu.
Sous peu, nous aurons gagné des contrées saines, où votre santé sera complètement rétablie, et, après les regrets donnés à nos compagnons qui ont succombé, il ne nous restera plus de ces mauvais jours que le souvenir des vertus qu'ils ont fait ressortir en vous, vertus qui font l'orgueil et la consolation de votre général, et sont le sûr garant de vos prochains succès contre l'ennemi"
Bivouac de Mangalia, 7 août
Signé : Canrobert
|
Cette scène d'un tableau de Jules Rigo, évoque bien les ambulances et hôpitaux de campagne dans lesquels
les "cholériques"étaient soignés ou bien mourraient. |
|
Bataille d'Inkermann le 5 novembre 1854
On peut voir au musée du service de santé des armées du Val de Grâce un tableau de Jules Rigo (1810-1892)
qui représente Gaspard-Léonard Scrive -chirurgien militaire qui répandit l'usage du chloroforme,
introduisant les premiers anesthésiques, pansant les blessés pendant la bataille d'Inkermann.
|
L'ambulance, dit le journal de la division, ne peut suffire même avec des auxiliaires, au nombre des malades. Pour les soigner, chaque corps envoie un détachement avec un officier et deux sous-officiers. Les cholériques sont classés par corps, installés sou leurs petites tentes, et soignés avec le plus grand dévouement par leurs camarades.
Le 9 août, (du bivouac de Tchabla) le Général Espinasse et le lieutenant-colonel de Senneville, chef d'état major du Général Canrobert, tous deux gravement atteints, ont dû être évacués sur le "Vauban".
Tel est le récit exact, dans toutes ses parties et dans tous ses tristes détails, de cette douloureuse expédition, qui fit tant de victimes en si peu de jours.
Comme tous les événements désastreux, celui-là a soulevé contre les chefs de terribles accusations, "la fatigue des troupes, les marches forcées dans cette contrée malsaine, par des chaleurs accablantes, avaient été la cause du mal qui avait ravagé leurs rangs.
Il fallait prévoir, deviner, pressentir."
...Pendant que le choléra sévissait sur les troupes dans les plaines de la Dobrutscha, il continuait et augmentait ses ravages à Varna. Chaque jour semblait lui fournir un aliment de plus. Outre les hôpitaux, des ambulances en plein air étaient construites de tous côtés ; et pourtant, les abris manquaient au chiffre toujours croissant des malades. Bientôt les navires venus de Kustendjé et de Mangalia débarquèrent les cholériques de la division Canrobert, sur laquelle il semblait qu'un souffle de peste avait passé. Ce fut un lugubre cortège qui traversa les rues de Varna et vint encombrer les ambulances, déjà insuffisantes.
La 2e et la 3e division apportaient aussi leur triste tribut. La flotte elle-même, est déjà atteinte et le choléra, sème de malades et de mourants les cadres des navires ; mais l'espérance d'entrer bientôt en campagne soutient les cœurs, relève les courages. C'est au milieu de cet aspect de mort, au milieu de la contagion qui frappe, que se font les préparatifs de la prochaine expédition. L'artillerie s'exerce à embarquer et à débarquer son matériel sur des chalands de nouveau modèle, construits à Constantinople. les projets du Général en chef ne sont plus un secret pour personne : les mots Crimée, Sébastopol, courent dans toutes les bouches.
De grandes tentes-hôpitaux ont été établies sur les hauteurs de Franka au sommet des collines, où l'air plus vif que l'on y respire doit être un puissant auxiliaire contre l'épidémie : des renforts de médecins et d'infirmiers arrivent, des sœurs de charité appelées de Constantinople, bravent la mort avec cet admirable courage qui tient de la femme et des anges ; elles veillent infatigables, intrépides au chevet des malades, apportant à toutes ces misères le dévouement de leurs cœurs et les consolations de leurs douces paroles.
Devant tant de zèle, de courage et de charité, le fléau semblait reculer ; les cas devenaient moins foudroyants et plus rares. Évidemment, l'épidémie était dans sa période décroissante.
Mais aucune calamité n'est épargné à cette armée. Un incendie se déclara dans une rue marchande de Varna et se propagea près des camps de munitions et des magasins des dépôts de régiment.
Le 25 août, le Maréchal Saint-Arnaud annonce à l'armée par un ordre du jour, l'expédition en Crimée. Le 31 août, l'embarquement commence.
Le 1er septembre, la 1ere, 2e et 3e division sont déjà embarquées et réunies dans la rade de Baltchick.
Le mardi 5 septembre, départ des escadres française et turque de baltchick. Les escadres font deux colonnes. La première au nord, le "Primauguet" et le "Caton" sur les côtés. L'escadre turque au sud. Le mercredi 13 septembre, mouillage dans la baie d'Eupatoria.
Le Maréchal Saint-Arnaud embarque sur le "Berthollet" jusqu'à Baltchick, puis sur le vaisseau amiral "la Ville de paris" sur lequel il fera la traversée. Mais, malade, il sera remplacé par le Général Canrobert qui lui succédera au commandement en chef.
Le débarquement aura lieu le 13 septembre à Eupatoria dans la baie de Kalamita. La petite garnison russe de la ville n'opposa pas de résistance et la population tartare accueillit les Français avec de grandes démonstrations de sympathie.
Le maréchal Saint-Arnaud mourra du choléra le 29 septembre 1854.
|
Maréchal Leroy de Saint-Arnaud 1798-1854 commandant le corps expéditionnaire français en Crimée |
"Cher frère, écrivait le Général Canrobert à M. de Saint-Arnaud, le 14 septembre 1812, la grande armée entrait à Moscou : le 14 septembre 1854, l'armée française débarquait en Crimée et foulait le sol de la Russie"
|
2 : Eupatoria, où débarquent les troupes A : bataille de l'Alma
B : bataille de Balaklava C : bataille d'Inkermann E : Sébastopol |
Les marines française, anglaise et turque réunies débarquent plus de 60000 combattants en Crimée.
• 1446 officiers
• 29058 hommes
• 2904 chevaux ou mulets
• 133 bouches à feu
• 22600 hommes d'infanterie (anglais)
• 3100 artillerie et génie
• 1100 cavaliers
• une division turque de 7000 hommes
S'enchaîneront plusieurs épisodes dont la bataille de l'Alma, puis le siège de Sébastopol